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N comme Nocturne

La « tombée du jour » est un moment très actif en forêt. C’est celui où l’Humain rentre dans sa caverne, ou son domicile confortable d’aujourd’hui, et où nombre d’espèces végétales et animales commencent elles leur journée d’activité.

Première information à ne jamais oublier : le forêt domaniale n’est pas fermée la nuit.

Pour qui a été louveteau ou scout (j’en vois qui se sentent concernés, comme moi, il y longtemps), les camps de nuit restent un souvenir inoubliable.

Ce qui est interdit de 21h30 à 6h30 est l’accès aux véhicules à moteur (voitures, motos, quads, …) sur les routes non départementales, les « traversantes ». Tous les ans, de nombreux égarés, volontaires ou non, se font surprendre pour la modique somme de 135 euros (oui, celle-là aussi), et l’époque du brâme est à ce titre la haute saison pour les caisses des agents assermentés : la Police, la Gendarmerie et l’ONF : tous ont l’autorité pour cela.

Voilà, cela étant dit, une rando pédestre à la tombée de la nuit ou avant son terme est une expérience riche de surprises, de petites peurs et d’émotion. Car la forêt de nuit est un univers où le moindre son devient soit rassurant (une route est proche, je ne suis pas perdu), soit inquiétant (un lourd animal se déplace tout près dans les fourrés), sans repères visuels.

Pour la nature végétale, la diminution de lumière et la baisse de température inévitable entraîne le ralentissement quotidien de son cycle, mais plus encore que celui du soleil, c’est le cycle de la lune qui influe sur la vie des végétaux. Tous les forestiers aguerris le savent : il y a des périodes lunaires très privilégiées que ce soit pour éviter les attaques de parasite, la pourriture, pour éviter que le bois n’éclate et donc pour couper du bois d’œuvre (charpentes, meubles) ou du bois de chauffe ; et inversement. Le bon bois se coupe à la lune descendante et pendant la période hors sève, avant le solstice d’hiver. Par exemple, fin 2019, selon le calendrier lunaire, le bois de chauffage devait être coupé entre le 14 et le 26 décembre, voilà qui est précis. Les arbres vivent encore la nuit, sans la photosynthèse mais le cycle de la sève ne s’arrête jamais.

Sur ce sujet précis, les références écrites sont les ouvrages de Francis Hallé, et plus encore d’Ernst Zücher « Les arbres, entre visible et invisible » (Actes Sud) qui traite spécifiquement des mythes et réalités des cycles de vie de l’arbre.

Pour les autres végétaux, les fleurs, en forêt comme au jardin, se referment naturellement jusqu’aux premières lumières du matin suivant, et cela depuis la nuit des temps.

Pour la nature animale, le monde nocturne est plus disparate, autant que le sont les espèces et leurs modes de vie.

Pour rester dans le thème, je ne traiterais pas de tou-te-s mais par priorité des noctambules que vous ne verrez pas de jour (ou exceptionnellement) et que des espèces forestières.

Honneur à Madame la Chouette Hulotte, et à Monsieur car les deux cris sont bien distincts. En tous cas, lorsque la luminosité est à son minima, les passereaux et autres oiseaux diurnes cessent de chanter presque au même instant que la chouette commence à hululer, un chant reconnaissable entre tous.

Beaucoup moins présent ici, le Hibou Moyen Duc s’installe lui à proximité des champs et prairies ouvertes où il trouve plus facilement de quoi nourrir la famille.

Pas de Petit-Duc ni de Grand-Duc répertoriés dans nos forêts.

Pour les mammifères nocturnes, le Blaireau est le plus intéressant et sympathique. Il ne sort se nourrir que la nuit car il est beaucoup plus craintif encore que le Renard, lui aussi très actif de nuit mais aussi de jour mais plutôt dans les taillis et en lisières. Pendant la journée, le Blaireau sort très peu et reste toujours à proximité immédiate de son nid dont il a creusé patiemment les nombreux accès et tunnels. Il est très malheureusement classé en « nuisible » et fait l’objet autant que le renard d’une persécution qui n’a plus de réalité sanitaire. Aujourd’hui, l’Homme est bien plus contagieux et infecté qu’eux.

J’ai plaisir à parler ici de mon ami Ludovic de Crépy en Valois qui s’intéresse beaucoup, et avec talent, à ces animaux méconnus : https://www.facebook.com/ludonatureetvie/


Les photos jointes de blaireau et de jeunes renardeaux de cette année sont à son crédit.

Pour les filmer sans les déranger, les photographes naturalistes utilisent de petites caméras spéciales qui se déclenchent automatiquement au passage d’une forme mouvante, sans lumière ni bruit et donc sans gêne pour la vie courante de ces populations extrêmement craintives de l’Homme. Ce sont aussi les mêmes outils qui sont utilisés par les chasseurs pour localiser les populations et organiser leurs « chasses au terrier » qui ne laissent aucune chance à ces animaux inoffensifs.

Ces deux vidéos sont d’excellents résultats de cette découverte respectueuse des animaux dans leur milieu naturel :
https://www.facebook.com/27915972…/videos/222316535829655/
https://www.facebook.com/Stream74/videos/2959172407455049/

Si vous observez ces animaux et souhaitez leur porter assistance, n’en faites rien par vous-même et contactez au plus vite Virginie. C’est la grande spécialiste locale et elle saura exactement quoi faire : http://www.meles.fr/

Le Hérisson (que l’on pourrait me reprocher de ne pas citer) est évidemment plutôt noctambule mais il n’est pas un habitant des bois, parfois de leurs lisières ou de friches, là aussi tout simplement à cause de son besoin de nourriture beaucoup plus difficile à trouver en forêt.

Evidemment il faut maintenant parler ici des Chiroptères, les « chauve-souris » du langage usuel, qui sont un maillon essentiel de la biodiversité mais lui aussi victime encore aujourd’hui de trop nombreuses « fake news ».

Les espèces présentes en forêt de Compiègne sont principalement :

  • le Murin de Bechstein qui occupe souvent les cavités d’arbres localisés essentiellement sur les monts entre Saint-Sauveur et Pierrefonds (évoqués à la Lettre M, pour ceux qui suivent), dans les plus vieux arbres des Beaux-Monts, de la Muette ou des Mares Saint-Louis.
  • le Grand Rhinolophe pour lequel j’ai publié récemment un lien vers une vidéo très belle et documentée.
  • le Grand Murin (en danger)
  • le Petit Rhinolophe (en danger critique)


Leurs espaces de villégiature, là où ils trouvent donc à manger (les chiroptères sont le prédateur du hanneton le plus efficace), sont des zones couvertes où la canopée existe encore, avec des arbres de différents volumes et tailles, ce que l’on appelle des « étages », bref des secteurs de plus en plus rares en forêt de Compiègne, détruits par l’exploitation intensive.

Les sites de repos sont des cavités souterraines comme la Grotte des Ramoneurs (dont j’ai aussi déjà parlé), des cavités dans de gros arbres très anciens, souvent creusées par des pics, et les charpentes des maisons forestières comme celle de Saint-Corneille par exemple.


Une colonie exceptionnelle de Grands murins a élu domicile depuis longtemps dans les combles du Château de Compiègne, mais elle reste très fragile aujourd’hui. Elle vient de finir actuellement sa période de naissance sans avoir été dérangée par les visiteurs. Espérons que l’année sera donc prolifique.


J’invite donc les spécialistes de ces espèces citées ici de partager leurs connaissances avec le plus grand nombre, mais sans donner aucune information de localisation précise, pour ne pas risquer que ces animaux ne soient dérangés, voire pire.

Si vous avez cliqué sur au moins l’un des noms d’espèce suscitée, vous avez découvert, si vous ne la connaissiez pas, la base de connaissance clicnat qui est l’observatoire de la faune en Picardie mené par l’association PICARDIE NATURE. Vous pouvez y transmettre les informations de vos observations de façon à actualiser les connaissances sur la biodiversité de notre région.

Et pour finir, si vous aimez particulièrement comme moi les ambiances forestières nocturnes, vous devez voir, revoir et entendre « la nuit du cerf ». Frissons garantis.

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