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F comme Faisanderie

La faisanderie que nous connaissons tous, au moins de nom, révèle encore un très long pan de l’histoire royale de notre forêt.

Son histoire la plus ancienne remonte au temps de François 1er où elle fût tout d’abord une fauconnerie d’élevage de faucons pèlerins pour la chasse royale.

Au 17ème siècle, Louis XIV décida de changer l’affectation des lieux, la mode venant alors à la chasse à tir sur l’oiseau le plus spectaculaire dans nos régions, le faisan colchide, d’où le nom de l’établissement et du secteur forestier jusqu’à aujourd’hui, « la Faisanderie ».

Le roi fit alors défricher et créer deux premiers « parquets » d’élevage, celui de la Forte-Haie (21 arpents) et celui des Clavières (31 arpents), comprenant une portion de forêt entourée de murs suffisamment hauts pour que les « nuisibles » (sangliers, renards, blaireaux et tous les petits carnassiers des bois) ne puissent s’y introduire pour manger les œufs.

Dans le « Précis » de Louis Graves : il cite (p35) « les petits carnassiers, tel les putois, fouines, belettes, martres sont communs partout. L’hermine habite la forêt de Compiègne où elle est néanmoins assez rare. Le chat sauvage n’est pas rare, il est certain qu’il se multiplie à l’état libre ».

Le terrain à l’intérieur est défriché et ensemencé pour y attirer et y fixer les faisans.

Louis XV (régnant de 1715 à 1774) juge insuffisantes les installations et, de 1748 à 1756, fait réunir les deux premiers parquets dans un ensemble gigantesque de 469 arpents (environ 150 ha) avec des volières (« enceintes ») servant de couveuses, qui va des Cr de la Faisanderie, Cr de Morpigny, Cr des Nymphes, Cr des Clavières, MF de la Forte Haie et retour le long de la Route des Ventes St Corneille.

Il y ajoute l’élevage de la perdrix.

Il fait également construire les bâtiments qui étaient alors une ferme avec deux granges, une écurie, une vacherie et un corps d’habitation.

En 1749, il fait également ajouter trois autres « parquets » éloignés : les Vineux (près des Beaux-Monts et du chenil du même nom où est la meute de chasse à courre) et deux autres joints à La Landeblain (orthographe de l’époque. Aujourd’hui : La Landeblin), entre Saint Jean aux Bois et Vaudrampont (voir cartes 1839, près d’un siècle plus tard)

Dans ces derniers, on élevait également des faons qui, quand ils étaient daguets (entre un et deux ans), étaient transportés à Fontainebleau ou en forêt de Saint-Germain « pour infuser aux animaux de ces massifs un peu de sang de ceux de Compiègne dont la race et la taille, fonction en quelque sorte de la richesse du sol de cette forêt, ont toujours été supérieures ».

D’après Jean-Antoine François Léré (1761-1837, exceptionnel dessinateur naturaliste compiégnois) en 1821 « il y avait à la faisanderie 326 poules couveuses. Il a été assis le nombre d’œufs suivants : 2200 de faisans, 3343 perdrix grises et 1283 perdrix rouges. »

Léré raconte : « 26 aout 1824 : il y a deux loges à la faisanderie pour soigner et élever les faisans de la chine qui sont bien plus délicats que les autres. Cette année sur 26 œufs, on a obtenu 18 faisandeaux. L’an dernier sur un nombre bien plus considérable on a obtenu que deux faisandeaux. Le mâle est très amoureux et a un plumage superbe »

D’après Louis Graves (1855, cf. sources ci-dessous, p147) « Cette éducation consommait une énorme quantité de fourmis qu’on faisait recueillir dans toutes les forêts alentour (…). Trois hommes chargés de l’approvisionnement fournissaient environ 800 sacs d’œufs de fourmis pendant la belle saison ».

Les oiseaux élevés ainsi à grands frais étaient destinés exclusivement aux « tirés » du roi sur des secteurs bien définis, strictement interdits à toute autre usage et aménagés à cet effet : les « layons », des allées de promenade le long desquelles étaient entretenus des taillis à hauteur d’homme parcourus par les rabatteurs. Les oiseaux sont tirés à l’envol.

L’ouvrage “La forêt de Compiègne, de la réformation de Colbert à la révolution” cite le journal de chasses de Louis XVI pour août 1774 avec quelques chiffres concernant les « tirés » (p274)
« Vendredy 5, Tiré au Grand Palis tué 140 pièces »« Mardi 23, Tiré à la Plaine de Compiègne tué 188 pièces »

C’était donc une très grosse activité, fort coûteuse, qui a perduré pendant plus de 240 ans.

C’est donc pour cela qu’il y a encore aujourd’hui tout autour une concentration unique de 5 maisons forestières, avec celles des mêmes noms (Clavières, Forte Haie), plus celles de Humières, de la Pépinière et de la Faisanderie.

En 1772, son successeur, Louis XVI, demande à l’architecte Henry-Jacques Gabriel de construire un bâtiment central et deux pavillons d’entrée, ce que l’on connait encore aujourd’hui comme « La Faisanderie ».

L’activité de la faisanderie royale cesse avec la révolution.

Napoléon 1er la relance au début du XIXème siècle et fait agrandir les bâtiments et construire une enceinte murée. Le périmètre de la Faisanderie s’en trouve donc réduit mais poursuivra son activité d’élevage de faisans sans interruption jusqu’en 1914 puisque la pratique des « tirés » au faisan a perduré y compris sous la 3ème république en étant alors une « chasse présidentielle ».

Il y avait alors un « tiré » (zone de tir réservée) tout autour de la Faisanderie bien sûr mais aussi d’autres autour du Grand Parc, du Buissonnet, du Berne, de Royallieu, du Vivier-Corax, du Carnois, de la Basse Queue. La carte jointe (1874, sous la 3ème république) fait apparaître précisément les parcours sinueux des tirés de la Faisanderie et du Grand Parc, prolongé par lui du Buissonnet et de Berne.

A l’issue de la 1ère guerre mondiale, en 1921 ; le maire de Compiègne, Robert Fournier-Sarlovèze obtient des Eaux et Forêts de faire louer le bâtiment principal à l’Office Privé d’Hygiène Sociale de l’Oise (dont le Président était le baron Robert De Rothschild) afin de pouvoir transformer le lieu en « préventorium » pour les enfants tuberculeux. Il fallut pour cela amener l’eau et la lumière électrique, grâce à un château d’eau et à une petite centrale électrique indépendante.

Les terres d’élevage furent mises en culture. Il y eu même une activité de production d’œufs, “l’Elevage de Compiègne”.

Cette activité d’accueil d’enfants en difficulté dure encore tant que l’IME (Institut Médico Pédagogique) de la Faisanderie, ouvert depuis 1969 et toujours sous tutelle de l’OPHS, n’a pas déménagé dans ses nouveaux locaux sur l’ancien camp militaire des Sablons comme cela a été annoncé déjà en 2015.

En ces temps difficiles, nos pensées vont aux enfants, à leurs familles et aux éducateurs.

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